Déjà plus d’un mois de confinement ! C’est fou de se dire qu’on a tous réussi à tenir (plus ou moins) jusque-là. Que l’on a été capable de s’adapter. Les première semaines ont été les plus dures, notamment pour les personnes qui vivent seules telles que moi : plus de possibilité de se retrouver entre amis autour d’une table pour partager des parties de jeu. Et puis on s’est souvenu qu’à défaut de mieux, internet pouvait nous servir au mieux pendant cette drôle de période où nous nous retrouvons tous assignés à résidence. On s’est mis à faire des skypéro ou e-pero, selon l’appellation que vous préférez, ou encore des jeux de rôle par webcam. Et puis on s’est tourné vers les jeux de société en version numérique, et les sites tels que Boardgamearena (BGA) sont devenus nos sauveurs !
J’étais inscrit sur ce dernier depuis des années déjà, mais n’avais jamais trop eu l’occasion de participer assidument dessus. Il faut dire que jouer contre des inconnus ne m’intéresse guère. Mais cette fois, les choses ont changé, et rapidement, nous avons été très nombreux à nous retrouver sur le site, joueurs avertis et proches amateurs occasionnels. On ne va pas laisser passer l’occasion : se retrouver tant bien que mal tous ensemble autour du jeu ! Ce ne sera jamais aussi chouette qu’être réellement réunis à l’occasion d’une soirée, mais c’est tellement plus plaisant que de rester isolés chacun dans nos coins.
Parmi les jeux présents sur la plate-forme figure bon nombre que j’ai la chance de connaître, voire même de posséder, comme le jeu de draft Sushi Go! que je vous ai déjà présenté, ou bien le jeu de carte Coloretto. Cela faisait un moment que je souhaitais vous parler de celui-ci, que j’avais par ailleurs évoqué au détour de l’article sur Salade 2 Points. L’heure de gloire des chamaeleonidae a donc sonné !

Lorsque j’ai découvert ce jeu il y a maintenant quelques années, à travers une vidéo, deux éléments m’avaient attiré : ses règles d’une astuce dont je me délecte, ainsi que les somptueux graphismes chatoyants de son édition anniversaire. Coloretto est en effet déjà un vénérable jeu de carte. La création de Michael Schacht pour 2 à 5 joueurs était initialement sortie en 2003, dans un style graphique beaucoup plus sobre, éditée par chez nous par Oya, le plus ancien bar à jeux parisien. C’est d’ailleurs cette première version que l’on retrouve en version numérique sur BGA. En 2013, pour fêter ses 10 ans d’existence, une nouvelle édition était proposée. Si les règles y étaient quasiment identiques, sur le plan artistique, le jeu avait soudain effectué un véritable bond en avant. Regardez-moi donc ces illustrations pleines de couleurs : tous ces caméléons resplendissants au milieu de leurs décors naturels, le tout dans un style BD qui fait tellement du bien à l’œil. Rien que pour le plaisir de jouer avec ses jolies cartes, j’ai souvent envie de le sortir.
Mais attention ! Coloretto n’est pas qu’agréable à regarder. Comme je l’ai évoqué plus haut, ce petit jeu de carte tenant dans une minuscule boîte fait également preuve d’une grande intelligence dans sa jouabilité. Ici aussi, des règles très rapidement assimilables, jugez plutôt. Le but du jeu consiste à faire des collections de familles de caméléons le plus judicieusement possible, afin de réaliser le meilleur score. Pour cela, une partie se découpe en plusieurs manches, dans lesquelles chacun va pouvoir récupérer des cartes pour compléter sa collection. Pas de main ni de cartes cachées aux autres joueurs : toutes les cartes récupérées sont toujours posées devant soit face visible.
Ainsi la mise en place d’une partie est-elle des plus rapides : après s’être assuré du nombre de famille à mettre dans la pioche en fonction du nombre de joueur, on mélange la pioche dans laquelle on place la carte Dernière manche en 17ème position en partant du fond du paquet. On dispose au centre de la table autant de cartes Rangée que de joueurs, puis on donne à chacun un caméléon d’une couleur différente.

À son tour de jeu, un joueur a le choix parmi deux actions : prendre la carte au sommet de la pioche pour la placer parmi l’une des rangées centrales, ou alors récupérer une rangée avec l’intégralité des cartes qui y ont été placées. Une fois ceci fait, il les ajoute à sa collection, retire la carte Rangée pour le reste de la manche, et ne participe plus à celle-ci. Toutefois, chaque rangée est limitée à un nombre de trois cartes maximum. Il est donc possible de se retirer avec une, deux ou trois cartes. Mais rappelez-vous ! On ne peut faire qu’une seule action par tour : soit rajouter une carte à une des rangées encore disponibles, soit partir avec une de celles-ci. En résulte une interaction très forte entre les joueurs. Typiquement, lorsque l’on ajoute une carte à une rangée avec l’idée de la récupérer par la suite, cela ne sera possible qu’à son prochain tour. Pendant ce temps, tous les autres seront en mesure soit de récupérer la rangée convoitée, soit d’y ajouter une carte visant à mettre des bâtons dans les roues, comme vous allez rapidement le comprendre.
Le jeu prend fin une fois la manche où la carte Dernière manche a été tirée terminée. C’est le moment d’aborder les types de carte du jeu ainsi que le système des points. En plus des 7 familles de cartes en comportant chacune 9, on trouve également des cartes +2 ainsi que 3 Joker – dont un doré dans l’édition anniversaire, le joueur qui le prend récupère automatiquement la carte au sommet de la pioche. Les +2 sont les plus simples à comprendre : chacune rapporte 2 points. En revanche, les cartes caméléons doivent être choisies avec plus de précautions. En effet, chaque joueur ne pourra gagner des points qu’avec 3 familles parmi celles dont il dispose. Les autres, elles, en feront perdre. Le système est assez simple : selon le mode de jeu choisit, on regarde simplement le nombre de points rapportés par une couleur en fonction du nombre de cartes qui la constituent. Chaque joueur doit alors additionner ses familles positives (auquel il peut adjoindre librement ses cartes Joker) et ses +2, avant de soustraire les points de ses familles excédentaires. Une fois le score de chacun déterminé, le roi des caméléons est alors connu.

Coloretto se révèle diablement efficace, un de ces jeux dont l’expérience pourra varier en fonction des joueurs présents autour de la table. Plusieurs stratégies sont en effet possible : jouer prudemment, en prenant des rangées peu remplies afin de s’éviter des points négatifs. Ou bien vouloir miser gros, en récupérant des rangées remplies. Mais ce faisant, on laisse d’autant plus la possibilité aux autres de nous faire récupérer des cartes négatives. Si la chance de la pioche fait partie intégrante de l’expérience de jeu, il reste fondamentalement opportuniste et fourbe. Ses parties n’excédant jamais la demi-heure, il n’est pas rare qu’une la première terminée, on veuille en enchaîner une autre. Surtout s’il s’agit de se venger d’un coup félon porté par un adversaire à la dernière manche.
Boite minuscule, design lumineux, variante experte de comptage des points, mode deux joueurs bien pensé, plaisir de jeu immédiat, tant de raison qui font que depuis de nombreuses années, Coloretto fait définitivement partie des grands classiques des petits jeux qui m’accompagnent. En cette période de confinement, je suis bien content de pouvoir m’y adonner dans sa version numérique sur BGA. Ses graphismes n’y sont peut être pas aussi superbes, mais le plaisir y est quasiment identique, et c’est bien là le principal ! Une petite partie ? Mon pseudo sur le site, Artificis !
