L’an dernier, je vous parlais du jeu de cartes pour 2 joueurs Star Realms. Je vous y présentais une mécanique de jeu que j’apprécie grandement : le deck building. Depuis le fondateur Dominion à l’origine du concept en 2008, nombre d’autres titres s’en sont inspiré, en y ajoutant leurs propres spécificités. Aujourd’hui, je m’arrête sur l’un d’entre eux : Clank!

Nous voici donc face à un vrai jeu de plateau qui repose grandement sur ce fameux système de deck building. Pour mieux comprendre comment celui-ci fonctionne, je vous invite à consulter ici l’explication que j’avais faite de ses bases. Or donc, concentrons-nous sur le titre qui nous intéresse. Pourquoi ce drôle de nom, et de quoi est-il question ?
La superbe illustration sur la boîte saura vous mettre au parfum : dans ce jeu de 2 à 4 joueurs créé par Paul Dannen et le studio Dire Wolf, et édité par Renegade Games, vous incarnez des voleurs. Votre objectif : pénétrer dans un vaste donjon s’étendant dans les profondeurs afin d’en piller les nombreux trésors, et tout particulièrement les artefacts de la maîtresse de maison, la redoutable dragonne Nictotraxian, de son petit nom Nicki. N’espérez pas la battre, ni même pouvoir ne serait-ce que l’affronter au cours de votre expédition : ce n’est tout simplement pas possible. En revanche, elle fera au maximum pour vous empêcher de ressortir vivant de son territoire, vos bras chargés des butins que vous lui aurez arrachés.

Voilà, le titre du jeu trouve son sens : clank, tel est le bruit que fait le malandrin maladroit et trop peu discret entre ces murs, ce qui augmente petit à petit l’attention que le gardien reptilien lui porte, jusqu’à peut-être finir par passer l’arme à gauche sous des déflagrations déchaînées. Une chose est sûre, on joue ici chacun pour soi, et si l’on voit un de ses compères périr lors de l’expédition, tant mieux ! cela nous rapproche souvent de la victoire.
Voyons maintenant ce que la boîte contient : bien évidemment, de nombreuses cartes, comme l’on peut s’y attendre face à ce genre de jeu. Ensuite, un grand plateau représentant le donjon (plateau double face, la seconde proposant un challenge plus relevé), mais aussi les pions voleurs, et de nombreux jetons placés sur le plateau avant de commencer, comme autant de trésors à piller. Et enfin un sac noir à l’effigie du dragon, rempli de 24 cubes tout aussi noirs. Ce sac, vous allez l’aimer autant que vous le redouterez au fil de la partie.
Chaque joueur dispose lui aussi de 30 cubes à sa couleur, symbolisant à la fois son manque de discrétion dans le donjon (clank !), ainsi que ses points de blessure. Il entame la partie avec un paquet de 10 cartes identiques à tous. Les pions aventuriers sont placés à l’extérieure du donjon.

Un tour de jeu se déroule toujours selon la même logique : le joueur actif pioche les 5 cartes sur le dessus de son paquet personnel. Celles-ci vont lui fournir ses différentes options : acquérir de nouvelles cartes dans le marché dédié, se déplacer dans le donjon, affronter des monstres, gagner de l’or ou malencontreusement faire du bruit (clank !). Telles sont les actions basiques autorisées par les cartes.
La règle de déplacement est simple : chaque icône Botte en jaune présente sur ses cartes permet d’avancer d’une case. Toutefois, des obstacles vont rapidement se présenter : certaines cases exigent plusieurs Bottes pour pouvoir être atteintes, d’autres s’avèrent verrouillées, d’autres encore semées de créatures. Celles-ci infligent des points de blessure si l’on ne dispose pas d’icône Épée en plus des Bottes pour les traverser.
Parlons justement de ce deuxième type de symboles. En plus d’intervenir directement sur le plateau, elles permettent de battre les cartes monstres présentes dans la rivière de cartes. Pour rappel, la « rivière » constitue le groupe de 6 cartes tirées au hasard et renouvelées tout au long de la partie dans la zone d’achat de cartes, par opposition aux cartes basiques toutes disponibles en grandes quantités. Une carte monstre ne rejoint pas le deck du joueur qui l’a battu, mais lui accorde une récompense immédiate (souvent de l’or), avant de rejoindre la défausse de la rivière. De plus, les monstres ont souvent des effets néfastes sur la partie, comme renforcer la puissance de Nicki tant qu’ils sont présents.
Afin de renforcer son paquet, et donc ses possibilités, le joueur pourra acheter de nouvelles cartes, soit dans la rivière, soit parmi celles disponibles en permanence. Pour cela, il devra en payer le coût (noté dans le coin droite en bas des cartes) grâce aux ressources Compétence dont il dispose pour le tour. Il s’agit des nombres inscrits dans un losange bleu aux côtés des Bottes et Épées. Pour peu que le joueur dispose de suffisamment de Compétence, il est tout à fait possible d’acquérir plusieurs cartes à la fois, elles rejoignent alors la défausse de son paquet personnel. Avec ces Compétences, il pourra aussi acquérir des cartes dites Aubaines dans la rivière, celles-ci ne font profiter que d’un avantage pour le tour en cours et sont envoyées dans la défausse principale, comme les cartes monstres.

Rappelez-vous, au début du jeu, les decks sont constitués de 10 cartes semblables à chaque joueur. Certaines vont présenter des Bottes, des Compétences, mais aussi et malheureusement pour d’autres l’indication +1 Clank! Lorsqu’une de ces cartes apparaît, le joueur doit alors ajouter un cube de sa couleur sur la zone Clank!. Voilà qui est fâcheux : cela augmente le risque de se faire attaquer par le dragon. Heureusement, tant que les cubes sont présents dans la zone Clank!, il est possible de les récupérer pour peu que l’on dispose dans son deck d’une carte indiquant -1 Clank!.
Une fois le tour d’un joueur terminé, et dès lors qu’il a acheté de nouvelles cartes de la rivière, on la recharge afin de toujours revenir à 6. Si parmi les cartes ajoutées figure au moins un symbole de dragon, alors Nicki frappe : on récupère tous les pions placés par les joueurs dans la zone Clank!, afin de les ajouter dans le sac en toile. On tire alors du sac autant de cubes que le niveau de fureur du dragon nous l’indique (ainsi que les malus supplémentaires) : chaque cube à la couleur d’un joueur tiré devient un point de blessure pour ce dernier. Pour peu que la barre de blessures d’un joueur atteigne le marqueur final, celui-ci est éliminé du jeu. Les cubes noirs sortis du sac n’ont aucune conséquence, et sont mis de côté.
Ainsi passeront les tours de jeu, et alors que leurs possibilités se renforcent en même temps que leur deck, les joueurs s’enfoncent plus profondément dans le donjon, afin de piller différents objets, avec en ligne de mire, les fameux artefacts. Ces derniers sont primordiaux : sans eux, il est interdit de ressortir du donjon. Plus un artefact est enfoui dans le donjon, plus il rapporte de points. Cependant, un joueur ne peut au départ porter qu’un seul artefact. À moins d’être passé au marché, afin d’acheter un sac à dos, ce qui permet d’en transporter un deuxième.
Attardons nous quelques lignes sur ce marché : accessible sur 4 cases du plateau, il permet, en sus de ces sacs, de récupérer des clés pour passer à travers les verrous, ou bien des couronnes rapportant un nombre intéressant de points. Pour y faire leurs emplettes, les joueurs doivent disposer de pièces d’or, obtenues via les cartes de leur deck, en battant des monstres, ou parfois parmi les trésors décrochés sur le trajet.
Revenons maintenant à nos artefacts : s’ils sont primordiaux, ils ont également un revers : à chaque fois qu’un joueur s’empare de l’un deux, le niveau de fureur de Nicki augmente, ce qui rend ses attaques potentiellement plus dangereuses. Ainsi, la difficulté s’en va crescendo tout au long de la partie, et l’urgence de fuir se fait de plus en plus prégnante.

Quand est-ce que le jeu se termine ? Le compte à rebours final s’initie dès lors qu’une des deux situations suivante se présente : un joueur est le premier à être éliminé, ou au contraire le premier à ressortir du donjon avec au moins un artefact. Le joueur concerné accède alors à la zone de compte à rebours sur le toit du donjon : il ne reste alors aux autres plus que 4 tours avant la fin. À chaque fois que le tour du joueur concerné reviendra, sa seule action sera de provoquer une attaque du dragon, de plus en plus violente au fur et à mesure que les tours finaux avancent. Jusqu’à arriver à son 4ème tour, où le déferlement de puissance de Nicki est tel que tous les joueurs encore présents dans le donjon sont automatiquement éliminés. À moins que tous les joueurs encore en vie aient réussi à sortir du donjon avant, évidemment.
Il est alors temps de procéder au décompte des points. Mais avant, on regarde qui se situe encore dans le donjon. Les joueurs dans sa partie souterraine ne pourront pas participer au décompte des points. Pour ceux qui auront quittés les profondeurs, mais pas le donjon, seuls ceux transportant au moins un artefact pourront compter leurs points. Quant aux valeureux qui ont réussi à quitter le donjon avant, ils profitent d’un gain conséquent de 20 points. En plus de ceux-ci les autres sources de point sont les artefacts, certains trésors, les pièces d’or ainsi que certaines cartes. Parmi les survivants, celui avec le plus de point devient alors le roi des voleurs.
L’intelligence de Clank!, c’est sa manière toute particulière de faire progresser les parties : ce n’est pas tant le jeu en lui-même qui marque le rythme que directement les choix des joueurs. Tant qu’aucun d’entre eux n’est vaincu ou ressorti, la partie continuera. Différentes stratégies s’avèrent possibles : prendre son temps pour ratisser le plus possible de butin dans le donjon, ou bien au contraire essayer de prendre les autres de court en enclenchant le compte à rebours final suffisamment tôt pour infliger une grosse pression aux joueurs lents ou trop en retard. Toujours dans cet idée de rythme marqué par les joueurs, selon que de nombreuses cartes soient achetées ou battues dans la rivière ou non, Nicki aura plus ou moins d’occasions de frapper, et donc de blesser les joueurs.
À cela s’ajoute la richesse propre au principe du deck building. Selon les cartes achetées, les joueurs seront en mesure de se spécialiser : plutôt la furtivité ? une grande liberté de mouvement ? une capacité d’attaque démente ? ou plutôt beaucoup d’or ? voire même, la sournoiserie : certaines cartes obligent les autres joueurs à ajouter des clank! en dehors de leur tour de jeu. Pour peu que l’on sache maîtriser correctement les attaques du dragon, il est tout à fait possible de les déclencher volontairement afin de saper méthodiquement la santé de ses adversaires.
Clank! se révèle malin, fun et varié. À la mécanique du deck building, il a su joindre l’utilisation d’un plateau avec intelligence, en y apportant la menace toujours présente de Nictotraxian, qui ne fait que se renforcer au fur et à mesure de la partie, ce qui apporte une tension bienvenue au jeu, tout en gardant un aspect résolument amusant. Chaque tirage de cubes du sac Dragon est un moment de suspense, où les participants espèrent que ce sera pour la pomme des voisins plutôt que la leur. Cet aspect roulette russe à petit feu tient une place importante dans le plaisir que l’on prend à jouer. Ici, l’idée n’est pas de se prendre la tête en réfléchissant 15 minutes à chaque tour afin de trouver la combinaison parfaite. Non, ce n’est pas l’esprit. En revanche, les amateurs de jeux fourbes (comme votre serviteur), aux règles offrant suffisamment de possibilités tout en étant rapidement assimilables et bénéficiant d’une ambiance ne se prenant jamais trop au sérieux seront comblés.
J’ai eu l’occasion de le présenter à certaines personnes pas forcément habituées à des jeux avec autant de matériel. Après la crainte initiale qu’il soit d’un niveau trop élevé pour elles, à la fin de chaque partie, le jeu a fait mouche : tous ont toujours passé un bon moment. Je vois là la marque d’un jeu réussi.

[…] faible pour la mécanique de deck building, et à ce titre, je vous ai présentés Star Realms puis Clank!. Et encore, dans ma ludothèque figurent également Volfyirion, Shards of Infinity ou bien Saint […]
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