On se fait une toile ? Edmond

Parmi les grandes habitudes du cinéma, notamment français, figure l’adaptation de pièces de théâtre populaires sur le grand écran. Ceci a donné naissance a plusieurs grands succès, tels La Cage aux Folles, Le Dîner de Cons ou bien Le Prénom. Le film dont nous allons parler aujourd’hui va plus loin, puisqu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce nous contant… la création d’une autre pièce de théâtre, peut-être la plus connue d’entre toutes : Cyrano de Bergerac.
Edmond nous présente donc à travers une comédie romancée l’origine en 1897 de la célébrissime pièce d’Edmond Rostand (ici interprété par Thomas Solivérès), de l’apparition de son idée à sa première représentation au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Son réalisateur n’est autre qu’Alexis Michalik, déjà responsable de la pièce originelle (non, pas celle de Rostand, l’autre). Ne l’ayant pas vue, cet article ne portera bien que sur le film.

Il y a quelques mois, j’écrivais au sujet du film historique Un peuple et son roi que je déplorais un jeu par trop théâtral qui desservait ce genre de production. Dans le cas présent, la donne n’est pas la même. Historique, le film l’est sans doute possible, mais ici le théâtre est doublement inscrit dans son ADN. Il est donc normal, et même attendu, que le jeu des acteurs s’en ressente. C’est bien le cas, avec une mention spéciale pour les actrices Clémentine Célarié et Mathilde Seigner qui cabotinent à fond pour notre plus grand plaisir dans leurs rôles de Sarah Bernhardt et Maria Legault, la comédienne qui a créé le rôle de Roxane.
On rencontre d’ailleurs aux côtés de personnages fictifs créés pour les besoins de la dramaturgie de nombreuses autres figures historiques comme Rosemonde Gérard, la femme de Rostand, ou bien Constand Coquelin (joué par Olivier Gourmet, également vu dans… Un peuple et son roi), le premier à avoir tenu le rôle de Cyrano, et sans qui le personnage et la pièce n’auraient pas vu le jour. On croise également d’autres noms très connus de l’époque tout au long du film, mais je n’en dis pas plus, afin de conserver la surprise. Par ailleurs, l’introduction a l’excellente idée de situer son contexte en rappelant différents événements culturels et politiques ayant eu lieu à l’époque, grâce à une très agréable voix-off, ce qui permet de mieux s’immerger dans son histoire.

De manière générale, j’ai senti dans la réalisation un amour profond du chef d’œuvre de Rostand, et plus largement du 6ème art (soit celui du théâtre, oui, nous savons tous à quoi correspond le 7ème art, mais qui parmi nous est capable de citer correctement les précédents ? Bien peu de monde en vérité, et le chat flâneur que je suis ne s’en sort pas mieux). Mais revenons à notre Gascon. L’humour du film se veut profondément méta, puisqu’il cite et recrée à plusieurs reprises les scènes les plus célèbres de la pièce, en justifiant la source de leur inspiration à travers le quotidien d’Edmond (chose véridique au moins pour la création de la scène du balcon). Et le spectateur de sourire de bon cœur devant la convocation de ces passages qu’il connaît si bien tant la pièce est indélébilement ancrée dans le patrimoine culturel collectif francophone.

De fait, Edmond est une comédie généreuse, et d’une grande bienveillance de tous les instants, chose si rare dans le paysage cinématographique français. On n’y rit pas de, on y rit avec, et cela fait tant de bien à voir (bien que Michalik se permette à de nombreuses reprises de glisser quelques tacles envers les travers du milieu de la culture actuelle, mais sans jamais dénigrer un de ses personnages en particulier).
Par ailleurs, bien que son action se situe à la fin du XIXe siècle, et traite d’une pièce dont l’histoire prend place au XVIIe, la réalisation prend à de nombreuses reprises le parti d’un jeu des acteurs très contemporain, pour ne pas dire anachronique, ce qui n’est aucunement une gêne. Au contraire, cela apporte beaucoup de fraîcheur aux relations entre les personnages, Edmond et son ami Léo Volny (qui tient le rôle de Christian) en tête, ce qui les rend plus vivant.
De la bienveillance, le film en témoigne également beaucoup à l’égard du quatuor amoureux que forme les personnages de Rostand, sa femme, sa muse et son ami. Pas de condamnation ni de jugement pour le comportement du dramaturge, le film résout finalement le nœud des relations entre ces personnages de manière très naturelle, sans grand esclandre, alors qu’il proposait plus tôt quelques scènes dignes d’un vaudeville.

Petit point négatif tout de même : un final un peu long, où je commençais à décrocher, d’autant plus que la comédie s’y trouvait plus en retrait, comme c’est souvent le cas lorsqu’une œuvre souhaite mettre l’émotion plus en avant. Nous retrouvons là un travers que je déplore souvent dans le cinéma actuel, dont les films ont tendance à durer aux alentours de 120 minutes.

Pour autant, j’ai passé un très bon moment de cinéma, et vous recommande vivement d’aller voir le film, que vous soyez amateur de comédies bien travaillées, de culture théâtrale et littéraire ou de films historiques. Pour ma part, je serai ravi de le revoir dans quelques temps, chose dont peu d’œuvres récentes peuvent se targuer

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