The Island : alors, ça mord(t) ?

Amateurs et curieux de jeux, laissez-moi vous parler cette fois-ci d’un d’entre eux qui a été il y a quelques années un incontournable de mes soirées ludiques : The Island. Refonte d’un jeu de plateau des années 80 connu chez nous sous le nom de Les Rescapés de l’Atlantide, créé par Julian Courtland-Smith, cette nouvelle édition proposée par Asmodée depuis 2011 est depuis devenue une valeur sûre des jeux chaotiques entre amis, et nous allons voir ensemble pourquoi.

Jouable de 2 à 4, The Island nous propose de nous divertir avec une île (qui l’aurait cru ?) en train de s’effondrer alors qu’un volcan se réveille. Lors de mon tout premier article abordant les jeux de société, je vous présentais Carcassonne, le roi des jeux de tuile, où le terrain se forme au fur et à mesure. Ici, l’inverse se produit : les tuiles qui forment initialement l’île vont être retirées au fil de la partie. Chose qui n’arrange pas les explorateurs qui y sont présents. Ils chercheront donc à fuir pour atteindre la terre ferme, en tâchant de survivre aux multiples dangers que recèle l’océan, que ce soit de terrifiantes créatures ou bien les éléments déchaînés.

Avec un tel programme chargé en émotions, je préfère vous prévenir tout de suite : nous ne sommes pas face à un jeu de gestion et planification où chacun jouera gentiment dans son coin, et où les amateurs de contrôle peuvent se sentir comme un poisson dans l’eau. Au contraire, voilà un jeu au hasard et aux interactions entre joueurs prononcés, que l’on sort avant tout pour le pugilat ludique qu’il propose. Ici, tous les coups sont permis pour gagner, surtout ceux sous la ceinture. À ce titre, bien qu’il soit jouable à partir de 2 joueurs, ne nous voilons pas la face : c’est bel et bien à 4 qu’il prend tout son intérêt, puisque dans cette configuration, les interactions sont nécessairement présentes, alors qu’aucun emplacement ne sera libre en début de partie sur l’île.

Pour le moment, tout ceci reste bien vague, il est plus que temps de vous présenter plus concrètement les règles afin de saisir de quoi il en retourne. Avant tout, les 10 pions de chaque joueur sont répartis à tour de rôle sur les tuiles formant l’île encore intacte. Chacun de ces meeples possède une valeur propre, compris entre 1 et 6 points. Donnée importante : si les joueurs choisissent avant de commencer où placer leurs explorateurs sur l’île en connaissant leur valeur, une fois la partie entamée, il n’est plus jamais possible de la vérifier avant sa fin. Exercice de mémoire obligatoire donc, ce qui apporte un suspense supplémentaire.
Du côté des tuiles, elles se répartissent en 3 types de paysage : les plages, les forêts et les montagnes, nous y reviendront plus tard. Nous trouvons également sur le plateau de jeu dès sa mise en place 5 serpents de mer : 1 devant chacune des terres situées aux 4 angles, le dernier sur un lac au cœur de l’île. Enfin avant de commencer la partie, les joueurs vont ajouter chacun 2 bateaux sur des cases mer aux abords de l’île.

La mise en place est terminée, les hostilités vont bientôt débuter

Il est temps de jouer, voyons ensemble comment se déroule un tour :

  1. Déplacement des pions : le joueur a droit à 3 points de déplacement par tour, à répartir comme il le désire entre ses explorateurs et les bateaux. Voyons de plus près :
    1. L’explorateur : tant qu’il est présent sur l’île, ou sur une embarcation, il peut se déplacer jusqu’à 3 cases. En revanche, une fois à l’eau, il devient un nageur et n’a alors droit qu’à un mouvement par tour. Par ailleurs, un pion ne peut jamais revenir sur l’île une fois quittée. Toutefois, un nageur peut monter sur un bateau disposant d’un emplacement libre situé sur la même case.
    2. Le bateau : il ne peut être déplacé par un joueur que s’il est vide ou bien si ce dernier y possède au moins autant d’explorateurs que ses adversaires. Ainsi, chacun peut transporter jusqu’à 3 meeples, peu importe leur couleur. In fine, un bateau peut se déplacer jusqu’à 3 cases, uniquement sur l’eau.

2. Retrait d’une tuile de terrain : après avoir effectué ses mouvements, le joueur doit retirer une des tuiles qui constituent l’île. Il est impératif qu’elle soit à proximité immédiate de l’eau. De plus, la suppression se fait toujours en respectant l’ordre suivant : d’abord la plage, puis la forêt, enfin la montagne. Il est tout à fait possible de retirer une tuile sur laquelle se trouve un explorateur, qui devient alors un nageur.
Par ailleurs, lorsqu’il a récupéré une tuile, le joueur doit regarder dessous. Il existe 2 types de verso : à contour vert, ou contour rouge. Dans le cas d’un contour rouge, le joueur garde la tuile pour lui. Il bénéficie alors d’un bonus qu’il pourra utiliser au début du tour de son choix, ou alors en défense face à une attaque adverse, si la tuile est barrée d’une croix rouge. En revanche, avec un contour vert, le joueur doit immédiatement la révéler, et appliquer immédiatement sa conséquence. Pourra alors apparaître sur le plateau un nouvel animal (un requin ou un baleine) ou bien un bateau supplémentaire. Voire un tourbillon, ce qui retire du jeu tous les pions de tout type présents sur sa case et sur les cases eau adjacentes.

3. Jet du dé de créatures : selon son résultat, il permet de déplacer l’un des 3 types de créature sur le plateau. En début de partie, seuls les serpents de mer sont présents. Au fur et à mesure que l’île s’effondre, des requins ainsi que des baleines vont apparaître. Tous vont avoir un effet différent sur les bateaux et explorateurs. Le requin dévore tous les nageurs présents sur une même case que lui. La baleine n’attaque pas un nageur, mais détruit un bateau occupé qu’elle percute (ce qui crée autant de nageurs à la merci des requins). Surtout, le serpent de mer s’attaque aussi bien aux nageurs qu’aux embarcations occupées. Heureusement, ce monstre se déplace moins vite que ses 2 compères.

Ainsi, au fil de la partie, les explorateurs vont quitter l’île, de préférence en navire, mais bien plus souvent que l’on voudrait à la nage pour essayer d’atteindre l’un des angles du plateau. Pendant ce temps, l’île s’effondrera, et de plus en plus de dangers seront présents dans les eaux, avec la multiplication des requins et baleines, ou l’apparition des tourbillons, les pires nettoyeurs de l’océan.
Comment faire face ? Vous l’aurez compris avec ce que j’ai noté plus haut : il est tout aussi bien possible de se retrouver seul aux commandes d’un bateau que de devoir faire équipe avec un ou deux autres joueurs. Faut-il se la jouer personnel, embarquer 3 de ses pions pour s’enfuir fissa, au risque de devenir la cible de tous les autres ? Ou bien est-il préférable de ménager ses rivaux, en partageant son embarcation avec d’autres ? C’est sûr que l’on réduit les risques de se faire attaquer, lorsqu’on se retrouve embarqué dans la même galère. Mais l’on risque alors de ne pas avoir le temps de sauver tout le monde.
Parce que mine de rien, The Island est une course : le temps presse, l’île s’écroule inexorablement, ce qui nous rapproche de la fin de la partie. Une fois le volcan présent sous une des tuiles montagne retourné, c’est terminé. Ne reste plus qu’à compter le nombre de points cumulés par les explorateurs que chacun aura réussi à sauver.

Croyez-moi, cela n’aura rien d’une paisible croisière ! C’est que les pions tombent comme des mouches ici-bas ! N’espérez pas réussir à tous les sauver, cela n’arrivera pas. Entre les créatures et les tourbillons, on assiste à chaque partie à une hécatombe. Au point qu’il arrive parfois qu’un joueur n’ai plus aucun personnage en jeu avant la fin. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à participer : il retirera tout de même un morceau d’île, et lancera toujours le dé. Tenez, devinez ce qu’il se passe lorsqu’une personne envoie un pion à l’eau en retirant une tuile qui fait aussitôt apparaître un requin ? Bingo, le squale dévore immédiatement le pauvre nageur malchanceux. Douce cruauté, terrible infamie.
Au fait, vous avez encore des explorateurs en mer ou sur les restes de l’île au moment où le volcan apparaît ? Mince, pas de bol, ils ne survivront pas à l’éruption. C’est ainsi, seuls les rescapés ayant réussi à atteindre un des angles avant la fin compteront. La vie est dure en ces eaux troubles.

La situation a bien changé peu avant la fin…

Fort heureusement, grâce aux tuiles, les joueurs ne sont pas non plus totalement sans contrôle. Petit à petit, pour peu qu’ils en récupèrent des rouges, ils auront de nouvelles possibilités en main. À vrai dire, certaines de ces tuiles sont même particulièrement puissante, puisqu’elles permettent de bénéficier jusqu’à 3 déplacements bonus pour un nageur ou un bateau que l’on contrôle en plus des 3 mouvements dont on dispose à chaque tour. Un énorme coup de pouce pour réussir à sauver ses pions. Les autres permettent d’agir sur les créatures, que ce soit pour les téléporter ailleurs, ou bien pour détruire une baleine ou un requin qui aurait normalement du nous attaquer. Il ne vous reste plus qu’à espérer tomber sur les bonnes tuiles au cour de la partie, et ne pas trop faire apparaître de bateau sous les pieds des explorateurs adverses que vous venez juste de jeter à l’eau. Entre le hasard des tuiles, ainsi que le résultat des jets de dés, il est indéniable que le jeu repose beaucoup sur la chance. Ce n’est pas pour rien que je notais plus haut que le jeu ne s’adressait pas aux joueurs préférant pouvoir contrôler leur partie.

Aussi, il est certain que The Island ne s’adresse pas à tous les joueurs. En revanche, il a la capacité de mettre une ambiance assez folle autour de la table entre amis, avec son suspense constant, ses attaques gratuites, ou préméditées, ses alliances forcées et des plus éphémères, autant d’occasion de revirement de situation. Ici, il n’est pas question de se prendre la tête avec un jeu demandant de réfléchir de longues minutes afin d’optimiser au mieux son tour de jeu. On s’attaque, on lance le dé en espérant tomber sur la bonne créature au bon moment, on veut se venger d’une agression tellement injuste qu’on a subit quelques tours plus tôt… Alors si, tout compte fait, on se prend la tête, mais pas avec le jeu, simplement avec ses amis, pour le plaisir de se chicaner gentiment. Et puis une fois la partie terminée, on ourdit déjà la vengeance des affronts et trahisons subits pour la partie suivante.

Pour ne rien gâcher, la boîte de jeu propose un matériel de très bonne qualité, qui joue grandement dans le plaisir ludique. Peut-être son illustration pourra-t-elle de prime abord laisser dubitatif, il ne faut pas s’y fier. Et lui reconnaître qu’elle restitue parfaitement l’aspect pulp propre au jeu. Une fois la boîte ouverte, on découvre un superbe thermoformage où tout est parfaitement calé : un plateau très lisible, de grosses tuiles bien épaisses, ainsi que de très chouettes pions en bois, aussi agréables à regarder qu’à manipuler.

Pour tout vous dire, je vais fermer cet article sur une confidence : je ne gagne jamais à The Island, mais ce n’est pas grave, car j’y joue pour le fun que j’y trouve, et ça, cela fait beaucoup de bien ! Ah… j’aime la fureur d’un serpent de mer qui emporte un bateau rempli d’adversaires à 2 pas de la terre au petit matin…

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