En ces temps de festifs repas qui nous remplissent la panse et font prendre cinq kilos en quelques jours, j’avais très envie de vous présenter un jeu d’ambiance entièrement dédié à la boustifaille et que j’apprécie tout particulièrement : Et toque !. Conçu par Emmanuelle Piard et Barbara Turquier, il est paru en 2011 grâce à Libellud. Depuis ses débuts, l’éditeur poitevin s’est spécialisé dans les jeux faisant la part belle à l’imagination et à la créativité, avec en fer de lance leur premier succès Dixit, un grand classique au succès international qui fête déjà ses 10 bougies.
Et toque ! et son univers culinaire ne dérogent pas à ces principes. Cependant, à la différence de son maître spirituel et de ses descendants que sont Mysterium ou le tout récent Shadows: Amsterdam, il ne s’appuie pas sur l’image, mais sur le mot. Soit une myriade d’ingrédients que les joueurs seront amenés à utiliser pour concocter des repas.

Voyons donc ce que nous avons le plaisir de trouver dans cette boîte joliment illustrée par Xavier Collette, un illustrateur dont j’apprécie grandement le travail. Il est notamment responsable des animaux trop choupis du jeu Noé, ou encore de certains visuels de la série des Timeline. Une fois encore je m’égare, ce dont je ne me lasserai probablement jamais. Je disais donc : ouvrons la boîte pour y découvrir 6 ardoises magnétiques et leur stylo, des jetons numérotés, et surtout 100 cartes menus ainsi que rien moins que 300 mots-ingrédients aimantés. De fait, le jeu se pratique de 3 à 6 joueurs.
Pour jouer, chacun prend une ardoise et les jetons de la même couleur, puis pioche 12 mots dans la réserve. Le nombre de jetons utilisés est égal à celui des participants. Avant d’entamer une manche, une carte menu est attribuée à chacun, qui doit en prendre connaissance face cachée.
Le but du jeu ? Combiner les ingrédients à sa disposition afin de constituer un repas correspondant le plus efficacement possible au menu thématique qui nous a été assigné. Pour cela, il suffit d’aimanter les ingrédients de notre choix sur notre ardoise parmi les 12 à notre disposition. Attention ! Quelques contraintes doivent être respectées :
- il faut toujours utiliser au minimum 4 de ses ingrédients,
- le feutre ne peut servir qu’à écrire des connecteurs entre ces ingrédients.

Une fois que chacun est satisfait de son repas, toutes les cartes menus sont mélangées puis révélées. Ensuite, chaque joueur pourra présenter son repas à voix haute et rendre son ardoise visible de tous. Arrive alors la phase de vote : après avoir assigné chaque menu à un numéro, chacun vote en plaçant un de ses jetons face cachée devant un des joueurs en fonction de la correspondance qu’il pense être bonne entre une ardoise et une carte menu. Ne doit rester devant soi que le jeton correspondant à son propre menu.
Enfin, voici le bouquet final de la manche : la résolution. À tour de rôle, chaque joueur va indiquer quelle était sa carte, ce qui permet d’attribuer des points lorsqu’un menu a été deviné correctement, mais aussi lorsque le nôtre a été identifié par les autres participants. Le gagnant sera celui qui en aura cumulé le plus grand nombre en 4 manches. Pour en entamer une nouvelle, on se débarrasse des ingrédients que l’on vient d’utiliser, puis l’on fait en sorte d’en avoir de nouveau 12 devant soi.
Et toque ! a tout d’un pur party game. On n’y joue pas tant pour la victoire finale que pour l’ambiance qu’il s’est immanquablement installer autour de la table. En obligeant les joueurs à composer entre des ingrédients et une thématique imposés, il fait appel au principe oulipien de la création par la contrainte. Cela donne généralement naissance à des concepts culinaires tout à fait inédits et plus ou moins savoureux.
Ceci est d’autant plus vrai que les thématiques proposées sont souvent suffisamment abstraites ou oniriques tout en étant relativement proches les unes des autres pour créer une réelle confusion une fois les menus et les ardoises dévoilés. On retrouve la même sensation que sur Dixit, où l’ensemble des cartes jouées semble si souvent pouvoir correspondre à la phrase du conteur. L’esprit humain est ainsi fait qu’il a cette fascinante capacité à toujours créer des connexions dès qu’on lui offre un peu de matière. Ce qu’il fait souvent là où il y en a bien peu, voire pas du tout.

Lorsque les joueurs révèlent leur menu, les interprétations de chacun fusent, afin de justifier leurs conclusions et la tournure qu’a pris leur esprit afin d’arriver à ces dernières. Les (cordiales) chamailleries ne tardent jamais à pointer le bout de leur nez, alors que se confrontent différents cheminements et modes de pensées. Cela grâce aux simples contraintes créatives imposées par les règles.
D’ailleurs, je trouve que le jeu va plus loin et se renouvelle mieux que son aîné, grâce à son nombre plus que conséquent de mots et de cartes. Deux parties n’y sont jamais identiques, lorsque avec Dixit, les mêmes images seront toujours utilisées à chaque partie, pour peu que l’on ne possède que le jeu de base.
Dès sa sortie, Et toque ! a été pour moi un coup de cœur immédiat, grâce à son concept résolument malin. J’en garde le souvenir de moments mémorables autour de la table. Malheureusement, le jeu n’est pas le plus connu de son éditeur, et n’est actuellement plus édité. Aussi, pour peu que vous cherchiez un jeu où priment l’ambiance et la créativité, que l’âme d’un grand chef la tête dans les nuages sommeille en vous, donnez sa chance à cette belle boîte, si jamais vous tombez dessus. Vous devriez vous aussi vous créer de chouettes souvenirs ludiques !
