Lors de mes derniers articles, j’ai pu vous parler de cinéma ou de jeux vidéo. Si bien que cela faisait un moment que je n’avais pas présenté un jeu de société par le biais du blog. Ce qui est d’autant plus dommage que ces jeux occupent une place importante dans ma vie actuelle. En effet, après avoir converti nombre de mes proches à leur cause ces dernières années, j’en suis arrivé à me tourner vers ce milieu il y a maintenant plusieurs mois dans ma vie professionnelle. Impensable donc de les laisser bien longtemps de côté dans mes articles.
Aujourd’hui, nous allons aborder une catégorie de jeux que je n’avais pas eu l’occasion de traiter jusqu’ici : ceux à construction de moteur. Si vous êtes un(e) habitué(e) de ce site, vous aurez probablement remarqué l’importance que revêt à mes yeux la thématique d’un jeu et sa pertinence quant à sa jouabilité. La construction de moteur propose généralement des offres ludiques aux thématiques plutôt plaquées, pour s’appuyer sur des mécaniques fortes au cœur de leur jouabilité. Vous en déduirez qu’il ne s’agit vraisemblablement pas de mon genre de prédilection. Ce en quoi vous n’auriez pas totalement tort.
Ainsi n’ai-je jamais su apprécier le jeu Splendor, la locomotive du genre, au succès retentissant il y a quelques années et qui a inspiré de nombreux titres dans son sillage, tels que la série des Century ou encore le spatial Ganymède.

Pourtant, certains arrivent à tirer leur épingle… du jeu à mes yeux, notamment grâce au travail effectué sur leur apparence. Ainsi en est-il de Ganymède, et son esthétique low poly inspirée des jeux vidéo qui lui procure un réel cachet, ce qui le distingue immédiatement de la masse. Il en va de même pour celui que j’ai décidé de vous présenter aujourd’hui, Space Explorers chez l’éditeur BLAM ! jouable de 2 à 4 joueurs et créé par Yuri Zhuravlev. Comme le nom le laisse deviner, il nous invite lui aussi à la conquête de l’espace. Une thématique qui m’attire particulièrement. D’ailleurs, un jour, il faudra que je m’attelle à vous causer du très bon Terraforming Mars, mais là n’est pas la question pour le moment.
Ouvrons plutôt la boîte. À l’intérieur nous trouverons 60 cartes, 10 tuiles ainsi qu’1 plateau, 1 aide de jeu et 5 jetons par joueur. Comme vous le constatez, un matériel très simple, comme c’est généralement le cas dans ce type de jeu. C’est que tout leur intérêt est de proposer une jouabilité reposant sur une mécanique des plus épurées : le joueur ne peut effectuer qu’une seule action par tour parmi les quelques unes disponibles. En partant de rien, chacun construira petit à petit son jeu de façon de à le rendre de plus en plus efficient, augmentant / facilitant ses possibilités. D’où le nom de construction de moteur, dans l’idée d’un cercle vertueux, puisqu’au fur et à mesure de la partie, chacun gagnera en efficacité, accélérant petit à petit le déroulement, jusqu’à arriver à l’élément déclencheur de fin.
Voyons donc comment cela se concrétise avec Space Explorers : comme de coutume avec le genre, le vainqueur sera celui avec le plus grand nombre de points. Pour en gagner, il va falloir ajouter des cartes à son plateau de jeu. Celles-ci servent à la fois d’objectifs pour marquer des points, mais aussi d’essence afin de nourrir notre moteur, et cela de différentes manières. De fait, celles-ci sont le cœur ardent du jeu et revêtent plusieurs utilités. Afin de ne pas être perdu, il va bien falloir comprendre comment lire les informations présentes sur ces dernières. Chaque carte, en plus de son illustration contient de 3 à 4 blocs d’éléments utiles :
- En haut à gauche : le nombre de points qu’elle rapportera une fois placée sur un plateau
- En dessous (formes rondes) : la/les compétence(s) (catégories) de la carte
- En bas à gauche (formes carrées) : les recherches (ressources) nécessaires pour pouvoir l’acquérir
- En bas à droite : le bonus qu’elle apporte au joueur

C’est maintenant qu’il ne va pas falloir se mélanger les pinceaux. Si vous comprenez la différence entre les compétences et recherches tout ira bien. Regardez les plateaux des joueurs : ils sont divisées en 5 divisions. Celles-ci sont associées aux compétences (formes rondes) que l’on trouve sur les cartes. Ainsi, si je veux ajouter à mon Hub (le nom du plateau personnel) une carte dans la division jaune, il faudra qu’elle possède au moins une compétence jaune. Comme je l’ai dit plus haut, il faudra pour cela payer le coup en recherche (icônes carrées) présentes dans son coin inférieur gauche.
Pour pouvoir effectuer cela, plusieurs solutions existent. La toute première consiste à regarder le nombre de compétences déjà présentes dans la division où je souhaite faire mon recrutement, et correspondant à la même couleur. Je parle bien du nombre de compétences et non pas de cartes, puisque certaines d’entre elles ajoutent 2 compétences identiques à la fois. Si je souhaite recruter une carte rouge nécessitant de payer 5 recherches, et que je possède déjà 2 compétences rouges dans ma division, alors je retire directement les 2 premières recherches en partant du bas de la carte de son coût, elle ne coûtera donc plus que 3. Une fois cette réduction effectuée, les options qui s’offrent à moi pour terminer le recrutement sont :
- Poser une carte de ma main dans le Centre de Recherche Spatial, soit les cartes posées face visibles au centre du jeu. Pour chaque carte que je pose, je peux payer 2 recherches de mon choix.
- Utiliser les recherches bonus offertes par les cartes sur mon plateau.
- Donner au joueur à ma gauche un/des jeton(s) recherche correspondant à ceux que je dois encore payer.
Voilà, vous savez désormais comment recruter un nouveau spécialiste dans votre Hub. Autrement dit, comment poser une nouvelle carte sur votre plateau personnel. Cela peut sembler un peu compliqué, mais au final, on prend vite le pli. Ceci étant expliqué, il ne me reste plus qu’à vous expliquer comment s’effectue un tour de jeu.
À mon tour, j’ai le choix parmi 2 actions de base. Soit prendre la carte au sommet de la pioche ou celle de mon choix parmi celles visibles dans le Centre pour l’ajouter à ma main. Soit ajouter une carte dans mon Hub en en payant le coût. Celle-ci peut provenir de ma main, ou alors directement du Centre.

Des règles plutôt simples donc, si bien que lors d’une première partie, certains joueurs peuvent être un peu perdus quant à savoir quoi faire. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que de manière générale, Space Explorers est un peu une course dans laquelle il ne faudra pas trop se laisser distancer. Je m’explique : le moyen le plus commode d’ajouter une carte à son plateau en début de jeu consiste à en payer le coût en reposant d’autres cartes de sa main dans le Centre. Toutefois, pour peu qu’un joueur fasse le choix de commencer avec une carte rapportant beaucoup de point, alors il devra payer un coût de recherche élevé en conséquence. Pour cela, il devra donc passer jusqu’à 2 tours à ajouter des cartes dans sa main, pour peu qu’il ne veuille passer aucun jeton Recherche à son voisin. Pendant ce temps, d’autres joueurs peuvent faire le choix de recruter des cartes rapportant moins, mais pour un coût moindre. Et se faisant, commencer à mettre plus rapidement leur moteur en place, afin de bénéficier de leurs effets.
C’est le moment de vous préciser plusieurs petites informations supplémentaires : le jeu arrivera à son dernier tour dès qu’un joueur aura recruté son douzième spécialiste (sa douzième carte) dans son Hub. De plus, je vous avais dit que parmi le matériel figurait également des tuiles. À chaque partie, on en mettra en place autant que le nombre de joueurs plus deux. À la fin du tour d’un joueur, si celui-ci possède sur son plateau personnel le nombre de compétences nécessaires présentes sur une tuile Projet, il peut alors récupérer cette dernière en action facultative, ce qui lui fera gagner des points supplémentaires. Mais ce n’est pas tout : ces tuiles sont également la deuxième condition d’activation de fin de jeu. Dès que la dernière est récupérée par un joueur, le dernier tour s’enclenche également.
Ainsi, Space Explorers en s’appuyant sur des règles assez épurées permet différentes stratégies afin de marquer le plus grand nombre de points tout en gérant la fin de la partie. D’autant plus que certains spécialistes recrutées permettent de bénéficier de bonus intéressants en plus de recherches supplémentaires. Certaines vont permettre de marquer plus de points en fonction des autres cartes présentes dans le Hub. D’autres vont faire bénéficier d’avantages supplémentaires, ou de nouvelles actions utilisables à son tour de jeu, comme le fait de pouvoir recruter gratuitement un spécialiste d’un coût normal de 3 recherches (notez que ceci remplace alors la seule action du tour).
Attention cependant, à part pour les points, ces bonus ne sont actifs que pour la dernière carte visible de chaque division de son plateau de jeu. Une petite donné supplémentaire à gérer, puisqu’il faudra trouver le juste milieu entre garder un bonus bien utile visible, ou alors bénéficier de la réduction de coût offert par le nombre de compétences dans la colonne. Sans oublier que ces compétences sont également importantes afin de récupérer les points des tuiles Projet.
Voilà ce que j’aime dans le jeu : tout y est très intriqué, et il oblige constamment à faire des choix, tout en gardant un œil sur le jeu des adversaires. S’il n’y a jamais d’agression directe entre les joueurs, l’interaction reste très forte, que ce soit par l’utilisation des jetons Recherche passés au joueur suivant, ou alors par la présence du Centre, qui sert à la fois de défausse et de pioche face visible. Ici, l’action est tendue, surtout à deux joueurs. Et pour autant, différentes voies sont possibles. Les quelques parties que j’ai pu faire jusqu’à maintenant m’ont permis de voir qu’en fonction des choix effectués par les joueurs, chaque partie pourra prendre une physionomie différente : certains préféreront courir les 12 cartes pour mettre fin au jeu rapidement, d’autres viseront celles rapportant plus de point, ce qui prendra plus de temps. Ou bien des bonus de spécialiste intéressants. Sans oublier Projets !
C’est, à mon sens, cette variété qui manquait à Splendor qui fait tout l’intérêt de Space Explorers. Tout en gardant un temps de jeu relativement compact, de par son principe même d’accélération du rythme, et ses tours d’une seule action, il propose une richesse stratégique stimulante, sans atteindre l’aspect « gestion de calculs d’apothicaire » que peuvent avoir de plus gros jeux de ressource. En contrepartie, son iconographie manque souvent de simplicité de lecture, ce qui oblige très souvent à mettre le nez dans une aide de jeu pour retrouver l’effet du bonus accordé par telle ou telle carte. Je n’ose même pas imaginer ce que cela aurait pu être si ces aides n’avaient pas été présentes.

Bon en revanche, côté thématique, oui, c’est indéniable, elle est là aussi plaquée, comme c’est le cas pour ses confrères. Alors oui, le jeu a bien tout un lexique en rapport avec la recherche spatiale (Hub, division, spécialistes, etc.). Mais celui-ci a surtout tendance à alourdir la lecture du livret de règle ou des aides, puisque tous ces termes ne sont que des moyens thématisés de renommer les éléments courants du jeu.
A contrario, je suis totalement conquis par son esthétique rétro, s’inspirant des illustrations et images de propagande de la période de la conquête spatiale. La boîte est superbe, et peut fièrement trôner au milieu d’une ludothèque (pour peu que l’on adhère à son aspect un peu vintage). J’émets tout de même deux bémols : dommage qu’au niveau des cartes, il n’existe qu’une illustration différente par division, simplement déclinée en version plus ou moins zoomées. J’aurais tellement aimé profiter d’un plus grand nombre d’images originales !
Et surtout, je regrette que le jeu n’aille pas au bout de son concept éducatif. En effet, les personnages illustrés ne sont pas anodins : ce sont tous des personnes réelles, scientifiques, ingénieurs, etc. ayant participé à la conquête spatiale. Pourquoi ne pas avoir ajouté à la fin du livret quelques lignes pour permettre d’en savoir un peu plus sur eux ? On peut assez facilement identifier Youri Gagarine sur la couverture du jeu, mais les autres qui sont-ils ? Ils ne sont même pas simplement nommés. À moins d’être un spécialiste de l’astronautique, ou d’être au courant de la chose, impossible d’avoir connaissance de ces clins d’œil historiques !
Pour autant, ces petits défauts ne sont clairement pas suffisants à mes yeux pour bouder mon plaisir ludique. Space Explorers a été pour moi une excellente petite surprise. D’abord attiré par son esthétique, j’ai immédiatement été conquis après ma partie de découverte, si bien que je me suis empressé de me le procurer. Je crois que le jeu n’a pas forcément rencontré un très grand succès, ni même semble-t-il bénéficié d’une grande communication. Chose un peu triste. De mon côté, toutes les personnes à qui j’ai pu le montrer semblent l’avoir apprécié, une fois passé des premiers tours parfois un peu difficile pour comprendre sa mécanique un peu obscure de prime abord, mais finalement très accessible. J’espère donc que cet article sera l’occasion de le mettre un peu plus en avant.