Cela faisait un moment que je me disais que je n’allais pas assez souvent au théâtre, alors que Paris offre de si nombreuses possibilités. Autant je suis un habitué de longue date des salles obscures de cinéma, autant il est rare que j’aille voir une pièce, et c’est quelque chose que je souhaite faire plus souvent. Dimanche dernier, je suis donc allé voir 12 Hommes en colère, au Théâtre Hébertot, situé Boulevard des Batignolles. Pour la petite histoire, j’avais initialement proposé à une amie de m’y accompagner, et nous sommes finalement retrouvé à être un groupe de six ! Il faut croire que je ne suis pas le seul à avoir des envies de pièce.

Le choix de ce spectacle fut pour moi assez évident : originalement un scénario écrit par Reginald Rose en 1954 pour la télévision américaine puis adapté au théâtre dès 1955, il donna ensuite naissance en 1957 à un film réalisé par Sidney Lumet (avec notamment l’acteur Henry Fonda au casting), rapidement considéré comme un classique du cinéma. Au point qu’il inspira nombre d’œuvres de la pop culture, et ce jusqu’aux Simpsons ou à la série Charmed (oui, oui) !
De quoi l’œuvre parle-t-elle ? Douze jurés d’un procès se retrouvent isolés dans une pièce afin de statuer à l’unanimité sur la culpabilité ou non d’un jeune homme accusé du meurtre de son père. Alors qu’onze d’entre eux, souhaitant aller au plus vite, l’affaire leur semblant vite réglée, le désignent coupable (ce qui mènerait alors l’inculpé sur la chaise électrique), l’un vote pour sa non-culpabilité. Son seule vote suffit alors à bloquer le verdict du jury, entamant ainsi un long débat entre les douze hommes afin d’arriver à un commun accord sur sa culpabilité ou non, et se faisant. Autrement, sa vie ou sa mort.
Le synopsis l’indique bien : nous voici donc face à un véritable huis-clos, respectant parfaitement la règle classique des 3 unités (de temps, de lieu et d’action). Ceci permet à la pièce d’offrir un rythme soutenu, permettant de capter l’attention du spectateur du début à la fin. D’autant plus efficacement que le sujet qu’elle aborde est particulièrement dramatique, et intemporel : la justice, et plus particulièrement la peine de mort. Ainsi, l’histoire a beau avoir été créée dans les années 50, on réalise bien vite que les thèmes qu’elle aborde sont toujours d’actualité, et peut être encore plus particulièrement de nos jours, à l’époque de la cacophonie permanente des mass médias et des réseaux sociaux, occasionnant autant de tribunaux populaires prompts à juger et rendre son verdict sans prendre le temps de connaître tous les tenants et aboutissants.
Voici donc douze hommes présents sur la scène, et ce, sans discontinuer du lever au coucher du rideau. Cela peut sembler beaucoup, alors qu’on ne connaît initialement rien d’eux, et pourtant, à la fin de la pièce, on a cerné le caractère, et souvent même l’origine sociale et/ou culturelle de chacun, permettant de comprendre le rôle qu’ils jouent tous dans ce que l’histoire cherche à nous transmettre. Si ce nombre semble de prime abord effrayant, il participe également au maintien constant de l’intérêt du spectateur, puisqu’il passe autant dans les paroles des personnages que dans les expressions et gestes. Ainsi peut-on constamment guetter les réactions de chacun. Pendant les 80 minutes que dure la pièce, de nombreuses interactions ont lieu entre les personnages. Sans rentrer dans l’évolution du scénario, la tension entre les jurés augmente crescendo, à mesure que le temps d’enfermement commun s’écoule. Préjugés sociaux et racismes notamment finiront par se révéler de plus en plus au grand jour.
Dans un décor simple et efficace, la sobriété de la mise en scène permet de véritablement mettre en avant le jeu des acteurs, qui fait pour beaucoup dans la qualité de la pièce. Bien sûr, tous ne sont pas à égalité, que ce soit en nombre de tirades, ou bien en qualité de jeux, mais chacun arrive à se faire remarquer, et les rôles principaux sont bien incarnés. Par ailleurs, la qualité des dialogues participe elle aussi grandement à la crédibilité, tant ceux-ci semblent souvent sortir d’une discussion naturelle, plutôt que de sonner comme répliques trop propres pour être vraisemblables. Enfin, les quelques pointes d’humour intelligemment disséminées s’avèrent plus que bienvenue, afin de permettre d’alléger la tension générale, sans pour autant dégrader l’importance du propos.
Vous l’aurez sans doute deviné, je suis ravi d’avoir fait le choix d’aller voir cette pièce. Elle me conforte dans l’idée d’effectuer plus souvent des sorties au théâtre. Et je ne peux que vous conseiller de vous y rendre également, vous avez jusqu’au 26 janvier 2020 pour cela ! Au fait, vous avais-je dit qu’elle avait remporté le Globe de Cristal de la Meilleure pièce en 2018 ? Maintenant oui.