Rattus : peste soit de mes adversaires

Parmi mes jeux de société favoris, il y en a un dont je n’avais pas encore parlé ici. Il s’agit d’un jeu qui m’accroche aussi bien par sa présentation que par son principe même, un jeu un peu fourbe, à l’ambiance assez unique : Rattus, de Ase et Henrik Berg, paru chez White Goblin Games en 2010.

Rattus fait partie de ces jeux où le simple fait de présenter le pitch à des nouveaux joueurs me donne le sourire aux lèvres, tant celui-ci est original. Nous sommes en 1347, l’Europe connaît une épidémie de peste comme elle n’en a jamais vue, dont les rats auront été l’un des principaux vecteurs de propagation. En 5 ans, celle-ci emportera entre un tiers et la moitié de la population européenne.

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Les joueurs (de 2 à 4, jusqu’à 6 avec l’extension Africanus) auront donc à charge de posséder la plus grande population survivante à l’épidémie sur le plateau à la fin de la partie. Généralement les jeux de placement sur une carte représentant un territoire nous font jouer des armées menant des offensives directes face à leurs adversaires, pensons par exemple au célébrissime Risk. Ici, nos petits cubes ne représentent pas des armées, mais simplement notre population qui essaie de survivre. Ceci apporte 2 différences majeures :

  • sur un même territoire peuvent être présents les populations de différents joueurs, voire même de tous les joueurs à la fois,
  • les seules attaques seront celles de l’épidémie de peste, qui pourront potentiellement frapper tous les joueurs d’un territoire, y compris celui à l’origine de la frappe de la maladie.

De plus, afin de pouvoir réaliser plus d’actions durant leur tour, les joueurs auront la possibilité d’utiliser différentes cartes personnages (6 dans le jeu de base : roi, chevalier, commerçant, moine, paysan et sorcière), chacun ayant un pouvoir différent. Cependant, plus un joueur aura de personnages devant lui, plus il risque des pertes de population, j’y reviendrai plus bas.

En effet, en plus des cubes présents sur le plateau, des jetons rat seront également présents. Lorsqu’un joueur enverra le pion noir figurant la peste sur un territoire comportant au moins un jeton rat et une population, la maladie s’activera. On retournera alors les jetons concernés afin de connaître le résultat. Un jeton ne s’active que si le nombre de cubes population présents est supérieur ou égal au chiffre présent sur celui-ci. Perdront alors un cube pour chaque icône :

  • le(s) joueur(s) possédant la/les carte(s) personnage(s)s représenté(s) sur le jeton,
  • tous les joueurs lorsqu’un A (pour All) apparaît,
  • le(s) joueur(s) ayant le plus grand nombre de population lorsqu’un M (pour Majority) est présent.

Ainsi, imaginons une situation où la peste se déclenche sur un territoire avec 1 jeton Rat ainsi que 2 cubes rouge et 3 cubes bleus. Le joueur rouge possède alors la carte Paysan, et le joueur bleu les cartes Sorcière et Roi. Si le jeton retourné affiche 4 : M – Roi – Paysan, la peste s’enclenche alors et va causer des pertes. Le joueur rouge va perdre 1 cube qui retournera dans sa réserve, à cause de sa carte Paysan. Quant au joueur bleu, celui-ci était en majorité avec ses 3 cubes, il en perdra donc un premier. Mais également un second, à cause du Paysan. Au final, il restera donc 1 jeton pour chacun des 2 joueurs sur le territoire après le passage de la peste.

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Par ailleurs, pour peu qu’il y ai plusieurs jetons rats sur un même lieu (jusqu’à 3 maximum, il y a tout de même une limite, on est pas chien, plutôt rongeurs), tant qu’au moins un cube de joueur sera présent, tous les rats seront retournés au même tour. Il peut très bien arriver qu’un territoire avec une population cumulée d’une dizaine de cubes tous joueurs confondus soit ainsi totalement décimé. Ah ça, quand la Mort Noire passe, les populations trépassent d’autant plus qu’elles sont nombreuses.

Tout cela est bien beau, mais vous allez me demander « dis donc Chat Flâneur, comment fais-je pour ajouter de la population sur le plateau ? ». Mais j’y viens mes bons amis buboniques, j’y viens. À son tour de jeu, un joueur va pouvoir ajouter sur un territoire autant de cubes qu’il y a… de jetons de rat présents sur celui-ci. N’est-ce pas délicieusement savoureux ? Le seul moyen de poser rapidement sa population est d’utiliser les territoires les plus soumis aux risques d’une attaque massive de la peste. Ceci rend très bien l’idée des poches de population devenant des bombes infectieuses à retardement. Rattus est un jeu qui élève la malice au rend d’art.
Oh, j’ai oublié de vous parler de la prolifération de la peste il me semble ? Lorsqu’un joueur déplace le fameux pion sur un nouveau territoire (action obligatoire à chaque tour), celle-ci fait apparaître un ou deux jetons sur les territoires adjacents au cas où des rats soient présents sur la zone. Vous êtes venus ici pour souffrir, ok ?

Je vous ai préalablement parlé des personnages, attardons-nous un peu sur leurs pouvoirs :

  • Le paysan fait ajouter une population de plus sur un territoire (par exemple, 4 lorsque 3 jetons rats sont présents).
  • Le commerçant permet de déplacer jusqu’à 3 cubes de sa population sur un territoire adjacent.
  • Le moine envoie un unique jeton rat vers un territoire adjacent.
  • La sorcière, souvent mésestimée, autorise à regarder 2 jetons rat, soit sur le même territoire, soit sur 2 différents. Dans ce second cas, il est alors possible de les intervertir.
  • Le chevalier apporte un surplus de puissance à la peste : le jeton peut être déplacé de 2 territoires au lieu de 1, et compte pour 2 cubes supplémentaires. Frappez plus vite, plus fort. On est pas là pour faire dans la dentelle.
  • Enfin le roi permet de sauver un seul de ses cubes sur un territoire sans rat afin de l’emmener sur le château présent à gauche du plateau. Cette population sera alors présente jusqu’à la fin de la partie, et ne pourra plus jamais disparaître.

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Précisons qu’au début de partie, les joueurs n’ont aucune carte personnage. Ceux-ci sont en libre accès. Au début de son tour, il est possible de prendre une carte non encore en jeu, ou bien présente chez un adversaire. Toutefois, une fois un personnage présent devant vous, vous ne pourrez plus jamais vous en débarrasser de votre plein gré. Il faudra nécessairement qu’un autre joueur vous le (re)prenne. Conséquence ? Plus vous accumulerez de pouvoir, plus vous aurez de possibilité de jeux. Mais le revers de la médaille, c’est que les attaques de la peste vous affecteront plus fortement que les autres joueurs.

C’est pour cela que j’apprécie autant Rattus. Je le trouve à la fois très accessible, tout en étant diablement original, et d’une finesse rare dans sa conception. Tout est une subtile question d’équilibre entre prise de risque ou non.
Je ne vous ai même pas parlé du meilleur. Le jeu se termine lorsqu’un joueur aura posé son dernier cube sur le plateau, ou quand le dernier jeton rat de la réserve aura été placé sur le plateau. Arrive alors le bouquet final : tous les autres ont alors le droit d’utiliser leurs cartes pouvoir une dernière fois, avant que l’on déclenche enfin tous les rats encore présents sur l’ensemble du plateau. La peste aussi a son baroud d’honneur à porter, et celui-ci fait généralement de lourds dégâts parmi les joueurs.
Ce point est ma partie préférée lorsque je présente les règles à de nouveaux joueurs, c’est le climax final. Celui qui met un terme définitif à la partie avant le décompte des points, le moment où chacun espère qu’il sera le plus épargné possible, et que les autres rangs seront décimés.

Oui j’aime Rattus. Parce qu’il procure un vrai plaisir de jeu de type roulette russe, ça passe ou ça casse. Parce que son gameplay s’accorde parfaitement à son thème, sans compter son esthétique de lettres gothiques et d’enluminures. C’est un joli travail d’édition, et je regrette qu’il ne soit pas plus connu. Quant à moi, j’en serai toujours un fervent défenseur, le présentant parmi mes grands favoris aux côtés, entre autres, de Carcassonne.

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