Crusader Kings 2 : soigner ses relations

Cela faisait déjà quelques mois que je voulais proposer un article sur le jeu vidéo de stratégie Crusader Kings 2. Cependant, celui-ci est tellement imposant et complexe, que je n’osais pas trop me lancer dans son écriture. Mais je ne suis pas ici pour en faire un test exhaustif après tout. Donc, cette fois-ci c’est la bonne.

C’est que Crusader Kings 2 ne ressemble pas à grand chose de connu niveau stratégie. Il s’agit d’un jeu développé par Paradox Interactive, le spécialiste des jeux de stratégie historique sur de simples cartes, avec un accent particulièrement prononcé sur les relations diplomatiques. Et celui qui m’intéresse aujourd’hui pousse ce concept à son paroxysme. Presque tout y tourne autour des personnages et des relations que ces derniers entretiennent entre eux. Vous allez donc prendre la tête d’une dynastie médiévale pouvant diriger aussi bien un simple comté, qu’un duché, royaume voire même un empire selon votre intérêt en début de partie.

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À la différence d’un jeu de gestion / stratégie de type Civilization, ici rien n’est acquis ni éternel. Jugez plutôt : d’une part, le personnage que vous incarnez vieillira, comme tous les personnages du jeu, et finira par mourir (de vieillesse, de maladie, à la guerre, victime d’un complot…). Vous serez donc obligé de prendre en compte l’héritage de votre dynastie, sachant qu’aucune solution n’est parfaite. Que vos terres soient réparties entre vos différents enfants à votre mort, ou bien qu’elles soient transmises à votre aîné, ou alors à un héritier élu par tous les électeurs du domaine, les inimitiés et querelles seront nombreuses. D’autant plus nombreuses que chaque personnage du jeu, y compris le vôtre bien entendu, possède des points de compétences et des traits de caractère influant sur celles-ci mais aussi les relations avec les autres personnages.

Ces domaines de compétence sont les suivants :

  • diplomatie : influe grandement sur l’opinion des autres personnages
  • martial : la capacité à posséder une armée puissante et guerroyer efficacement
  • intendance : la capacité à gérer efficacement les finances et l’étendue de votre domaine
  • intrigue : permet d’être efficace dans les complots, que ce soit pour les établir ou bien les déjouer
  • érudition : influe sur le regard que les instances religieuses portent à votre égard, ainsi que le développement technologique du domaine

Bien évidemment, plus une compétence a une valeur élevée, plus le personnage y sera efficace. Mais l’inverse est aussi valable : avec des statistiques très basses, les conséquences pourront devenir catastrophiques. Faible diplomate, un personnage ne sera apprécié de personne. Inutile d’imaginer les conséquences en cas d’intrigue ou martial faible. Même une intendance faible peut s’avérer dramatique, en débouchant sur une banqueroute, avec des conséquences toujours plus fâcheuses.

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Crusader Kings 2 est un jeu d’équilibriste. Il faut toujours trouver le juste milieu dans ses actions, car ici, il est impossible de faire tout le temps tout ce que l’on veut. De fait, le jeu prend place à l’époque féodale. Que ce soit en tant que suzerain ou vassal, les relations avec les autres puissances en place sont toujours à prendre en compte, et influent directement sur vos possibilités. Soyez trop gourmand, et vos vassaux fomenteront rapidement des rébellions pour vous déstabiliser voir vous renverser. À l’inverse, en tant que simple comte ou duc, dans un royaume au pouvoir fortement centralisé, vos possibilités d’expansion seront très réduites. Décevez votre suzerain, et vous aurez également à en subir les conséquences. Tout cela étant dit, saupoudrez le tout de guerres de religion, et autres croisades, et vous pouvez imaginer la complexité mise en place par le jeu.

Cette complexité débouche sur une situation de jeu assez inhabituelle : il n’y a dans Crusader Kings 2 pas d’objectif de victoire autre que celui-ci que vous vous créerez. Il est impossible de finir par dominer l’entièreté de la carte du jeu (actuellement, celle-ci s’étend de l’océan atlantique jusqu’aux frontières de l’empire du milieu, au gré des expansions successives ayant apportées la possibilité de gérer de nouvelles civilisations). Un empire trop grand finira forcément par s’écrouler sous son propre poids, selon ce que je vous ai indiqué plus haut. Très pragmatiquement, le jeu fixe des limites assez marquées pour ne pas permettre à qui que ce soit de s’élever indéfiniment au-dessus de sa situation sans en payer rapidement les conséquences.

Autrement dit, une partie se terminera de 2 manières : soit votre dynastie se sera éteinte lorsque celle-ci n’aura plus de descendance à assurer ou aura été totalement destituée de toutes ses possessions, ou bien, le jeu aura atteint sa date finale. En effet, une partie se déroule en temps réel avec possibilité de pause active, l’histoire s’écoulant de 1066 à 1453 (certaines extensions permettent quant à elle d’entamer une partie plus tôt). À chaque partie terminée, vous aurez alors le score final de votre dynastie,  soit l’accumulation des points de prestige de tous les dirigeants successifs que vous avez incarné.

Au joueur donc de se fixer ses propres objectifs à chaque partie, et de constamment savoir s’adapter en fonction de son personnage et de la situation autour. Vous voulez commencer comme simple comté du royaume de France et finir à la tête du royaume ? Pourquoi pas (bonne chance). Partir de l’île de Mann et conquérir le plus de territoires possibles ? Oui si vous voulez. Participer activement aux croisades et utiliser les avantages d’une bonne relation avec le Vatican et autres antipapes ? Mais oui, c’est possible. Beaucoup de choses sont possibles, pour peu que le joueur sache s’adapter et faire preuve de finesse et de patience. Ce qui est épatant dans le jeu, c’est que presque chacune de vos actions engendrera une réaction. Si tout cela est très systémique (par exemple, les oppositions entre différents traits de caractère), et ne se résume au final qu’à une immense base de données où tout n’est que statistiques et calcul des relations entre chaque personnage, rarement un jeu n’aura poussé la microgestion des relations à un tel degré.

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Crusader Kings II est à la fois un jeu riche mais également terriblement fermé aux nouveau venus. Il est très difficile d’accès, et à moins de faire des recherches sur internet, celui-ci vous fournira peu d’explications sur ses mécaniques. Il faut apprendre à la dure. Mais étonnement, un certain plaisir parvient à se dégager de cela. Il m’arrive encore, après plus de 60 heures de jeu, à seulement comprendre un point du jeu que j’avais ignoré ou mal saisi jusque là.

Il y a aurait encore beaucoup à dire, c’est certain. Mais je pourrais écrire des heures durant sur les mécaniques du jeu et leurs intrications, son système est tellement particulier, avec parfois la sensation de devoir subir plutôt que maîtriser le jeu comme on le souhaiterait, que celui-ci ne peut définitivement s’adresser au plus grand nombre. Son public restreint se doit d’être particulièrement patient, et prêt à s’adapter sans cesse, tout en rongeant son frein pour savoir saisir une occasion qui peut être ne se présentera pas avant un moment.

Une chose reste sûre : pour peu qu’on accepte de passer plusieurs heures à souffrir pour commencer à le maitriser un tant soit peu, le jeu a une capacité à créer des moments véritablement marquant. Car avec ses graphismes vraiment sobres (pour ne pas dire dépassés ?), ses fenêtres multiples et son éternelle carte du monde, il fait constamment appel à la force d’imagination et de projection du joueur, au lieu de tout lui offrir sur un plateau. Aussi paradoxal cela soit-il. Sur ce, je vous laisse, j’ai un duché de Suze à gérer.

 

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